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Le colonel ne dort pas Emilienne Malfatto - le cauchemar
Le Colonel ne dort pas, un court récit terrifiant sur le quotidien d'un enquêteur dans un pays en guerre.
Dans un pays en guerre, un homme qui est colonel torture des hommes pour leur soutirer des aveux.Il est le meilleur dans son domaine.
Il accomplit ses missions macabres avec un professionnalisme épuisant et inhumain.
Mais le colonel ne dort plus.
Chaque nuit, il est hanté par tous les hommes qu'il tue et a tués.
De son côté, son jeune ordonnance endure en silence les atrocités que le colonel inflige à ses prisonniers.
Le récit alterne avec la voix intérieure du colonel, véritable monologue mettant en avant ses nuits blanches et sa lutte contre ses démons. Car inévitablement, une armée de fantômes, ses victimes, a pris possession de ses songes et torture à son tour son esprit.
Des ombres se tutoient, trois hommes en perdition se répondent.
Le colonel, tortionnaire torturé.
L’ordonnance, en silence et en retrait.
Et, dans un grand palais vide, un général qui devient fou.
Emilienne Malfatto brosse un tableau universel de la guerre, sans nommer de personnes, de lieux, d'époques ou d'ennemis.
Comme un décor minutieusement esquissé, comme une porte verrouillée coupée de la réalité, le côté le plus misérable de l'humanité est mis à jour. Elle met en lumière l'absurdité, la cruauté de la guerre et la bêtise humaine avec une clarté rarement atteinte.
Un court récit qui saisit par sa poésie et sa noirceur.
Ô vous tous
puisqu’il faut que je m’adresse à vous
que je ne peux plus vous ignorer
puisque vous êtes devenus les sombres seigneurs
de mes nuits
puisque vos ombres et vos cris
résonnent dans mes ténèbres
puisque les Hommes-poissons
ont pris possession de mes rêves
vous tous je m’adresse à vous
mes victimes mes bourreaux
je vous ai tués tous
chacun de vous il y a dix ans ou
dix jours
ou ce matin
et depuis je suis condamné à continuer
de vous tuer
chaque fois à chaque nouveau mort
j’augmente ma peine ma
condamnation sans appel
perpétuité
perpétuité
comme vous les Hommes-poissons
je vous revois flotter
dans l’eau grisâtre
flotter
vous revenez depuis peupler mes cauchemars
vous avancez en écartant les roseaux
vous tendez vers moi vos membres décharnés
gonflés par les eaux
vous tendez vos mains et c’est toujours alors
toujours que
je vous tue
à nouveau
tuer les morts vous tuer encore vous mes victimes
puisque c’est la seule voie puisque je vous ai déjà
tués
puisque bientôt vous me tuerezEmilienne Malfatto a reçu en 2021 le Goncourt du premier roman avec
Que sur toi se lamente le Tigre, récit d'une jeune irakienne avant son exécution par son frère.
Tags : guerre, torture, absurdité de la guerre, cruauté
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